Dans cet article, nous abordons quelques défis associés au financement des nouvelles entreprises. L’exposé prend place dans le cadre du MOOC Réussir son démarrage d’entreprise – L’approche SynOpp et est dispensé par Denis Grégoire, processeur à HEC Montréal.
Le défi des projections
Est-ce que se projeter dans les revenus futurs que l’on pense avoir permet de déterminer l’argent dont on a besoin aujourd’hui ? Et si c’est utile, comment est-ce qu’on peut le faire ?
Il y a 20 ans, le principal outil à disposition était Excel où l’on calculait les projections de ventes, de dépenses sur les prochaines années. Aujourd’hui, nombre d’outils sont disponibles pour le faire sur internet. Le travail technique de construire des états financiers pour une jeune entreprise est aujourd’hui accessible très simplement.
Le défi n’est pas au niveau de la technique, mais au niveau des hypothèses sur lesquelles on se base pour faire des projections. Pour avoir des projections les plus solides, il convient d’avoir des informations les plus valides possibles : plus on a rencontré de clients potentiels, plus on sait combien ils sont prêts à payer, plus on sait combien ils sont prêt à acheter de produits et plus nos informations sont solides.
Ainsi, le principal défi se situe au niveau de la validation terrain des informations en allant à la rencontre des futurs clients, des partenaires et des fournisseurs.
Financer le démarrage de l’entreprise
Une fois ces projections effectuées, on est plus en mesure de déterminer ses besoins financiers pour le démarrage.
On observe par ailleurs que lorsque l’entreprise démarre, elle a plus de dépenses que de revenus, où sa balance est négative. A un niveau dans le temps, la balance s’inverse : plus d’argent entre que ne sort.
La distance entre 0 et le point minimal de la balance correspond à la quantité d’argent nécessaire à financer l’entreprise. Cependant, il n’est pas nécessaire de financer la totalité de ces dépenses dès le démarrage : on finance à court terme avec des outils différents que les finances à long termes.
Pour l’entrepreneur qui commence, l’idée est de trouver un financement pour atteindre à un premier point, puis se rendre à un second point à l’aide d’un nouveau financement, et ainsi de suite. Ainsi, au lieu de financer la totalité du lancement, les entrepreneurs cherchent à financer une petite distance de balance avant d’aller chercher un financement pour une autre petite distance, et ainsi de suite.
C’est de cette façon que l’on arrive à lancer une entreprise sans que cela ne nous coûte trop cher en coût de financement.
D’où est-ce que l’argent provient ? Les 4 F
Au démarrage de l’entreprise, l’argent provient de principalement 4 sources :
- Des Fondateurs : pour arriver à convaincre, les fondateurs doivent absolument débloquer un peu de leur capital. C’est un gage ce confiance pour les autres personnes qui vont investir.
- De la Famille : aller chercher un capital de sympathie sous la forme de dons. Le « love money ».
- Les amis (Friends) : aller chercher de nouveau un capital de sympathie sous la forme de dons. Il s’agit encore une forme de « love money »
- Enfin, les autres « Fous » : personnes qui ne sont pas nécessairement proches du porteur de projet mais qui sont prêts à investir lorsqu’ils entendent parler du projet.
Plusieurs difficultés peuvent apparaître chez les investisseurs informels :
- Ils n’ont en général que peu de connaissances en terme de finances ou de législation.
- Ils n’imaginent souvent pas qu’ils risquent de tout perdre, sans aucun recours possible.
- Ils ne comprennent pas non plus les rendements qu’ils pourraient attendre dans différents secteurs. Par exemple, quel est l’impact de 20000€ dans le cadre d’un lancement de restaurant ou d’une app mobile.
- Ils perdent de vue qu’ils pourraient avoir dans leur vie toute sorte d’événement spécial où ils pourraient avoir besoin de cet argent pour lequel l’entreprise ne peut pas nécessairement rembourser immédiatement.
Il existe plusieurs règles pratiques pour éviter les mauvaises surprises. Il convient alors de s’asseoir avec les investisseurs informels afin de leur expliquer ce qu’il en est, qu’il y a une possibilité réelle que l’argent avancé soit totalement perdu.
Ainsi, il est utile :
- De ne pas accepter de fonds sans s’assurer que les gens comprennent bien qu’ils peuvent tout perdre
- De leur fournir les documents d’avancement et prévisionnels
- De traiter cet investissement comme un prêt à terme plutôt que comme un prêt à rembourser partiellement chaque mois ou que comme un investissement en capital action
- De déterminer les conditions de remboursement avant d’accepter l’argent (quand rembourser, quels intérêts, …)
- Il n’est pas nécessaire de faire signer un contrat légal devant avocats mais il est utile de mettre les conditions par écrit
Réussir son démarrage d’entreprise
Au démarrage de l’entreprise, il est nécessaire de gérer des flux de trésorerie particuliers qui nécessitent des fonds à court terme pour des besoins financiers à court terme.
Il existe deux défis en particulier à gérer :
- Gérer les flux de trésorerie en fonction du type de structure de l’entreprise
- Gérer les flux de trésorerie dans le temps.
La première chose à faire est se concentrer sur la structure de coût de l’entreprise. Il existe comme on l’a abordé plus haut plusieurs outils qui permettent de prévoir le comportement de l’entreprise en terme de revenus mais aussi de coûts.
Il est important de distinguer 3 types de coûts pour l’entreprise :
- Les coûts fixes : le loyer sur un entrepôt, les payements sur un équipement lourd, … Il s’agit d’un coût à assumer peu importe les ventes ou le niveau de production.
- Les coûts variables : ces coûts vont varier en fonction de notre production ou du nombre de clients. Il s’agit par exemple l’électricité, l’essence, les matières premières, …
- Les coûts irrécupérables : des coûts qui interviennent au début de l’entreprise le plus souvent qui ne pourront jamais être récupérés. Par exemple dans la restauration, les coûts d’amélioration du local : peintures, travaux, …
Il existe des techniques d’analyse de point mort qui permettent d’identifier la balance des coûts fixes et des coûts variables. Le message central est qu’il est important au lancement de l’entreprise d’avoir un minimum de coûts fixes pour n’avoir que des coûts variables.
On peut par exemple embaucher un vendeur que l’on payera seulement à commission, faire sous-traiter les services plutôt que les avoir en interne afin de les faire varier en fonction des besoins.
Ensuite, il est nécessaire de gérer le flux de dépenses dans le temps. Un cas est lorsqu’il est nécessaire de produire pendant plusieurs mois avant de faire les premières ventes. De forts coûts interviennent en début de saison alors que les recettes arrivent au bout de plusieurs mois. Il est donc nécessaire de financer ces mois sans revenus. Plusieurs stratégies existent :
- L’autofinancement : il s’agit ici d’utiliser les gains de la saison précédente pour financer la production suivante. Cela suppose que les coûts soient stables par rapport aux revenus ou que la différence entre les revenus et les coûts est croissante. Il s’agit ici de la solution idéale, lorsqu’elle est disponible. Cependant :
- Ce n’est pas possible lors du démarrage étant donné qu’il n’y a pas de saison précédente pour financer les nouveaux développements.
- Si les coûts augmentent (inflation, perte de productivité, …), il ne sera pas possible de financer la nouvelle saison.
- C’est le même problème si les revenus baissent (crise économique, perte de compétitivité, …)
- Lorsque l’entreprise est en croissance, elle doit engager plus de ressources et ne peut bénéficier de l’autofinancement pour le faire.
- Les ventes : favoriser les ventes plus tôt via des rabais, en engageant les clients à acheter plus tôt, … Il est aussi possible de favoriser le payement par chèque plutôt que par carte de crédit où le payement tombe un mois plus tard et induit des tensions dans le temps. D’autres approches permettent aussi d’inciter le payement au début de la vente, voire via le payement d’un acompte.
- D’autres techniques permettent d’utiliser les actifs à courts termes de l’entreprise comme les comptes à recevoir, les inventaires, … pour les utiliser comme prêt à courts termes. Ex : nantissement (pleding), nantissement avec notice, affacturage (factoring), affacturage avec droits légaux, hypothèque mobilière, droits de rétention (floating blanket lien), prêt sur inventaire avec entreposage en entreprise, prêt sur inventaire avec prise de possession, …
Ces emprunts coûtent cher mais peuvent être pratiques.
Il est aussi possible de négocier avec les fournisseurs pour reporter le délai de payement.
Ces stratégies sont utiles pour gérer les flux de trésorerie dans le temps et mettre moins de pression sur les finances de l’entreprise.